B. 02.04 – Article – Gargalianos St. – La Loi de Baumol….

La Loi de Baumol dans l’Art Contemporain : Analyse Théorique et Démonstration Mathématique

Stamatis Gargalianos

Professeur Associé à l’Université de la Macédoine de l’Ouest

Introduction

Toute la réflexion de Baumol est basée sur le fait que le théâtre est, par rapport aux moyens humains et techniques de sa production, un art archaïque. Ceci parce qu’une pièce de théâtre ne peut être jouée qu’avec des êtres vivants, hommes et femmes. Aucune substitution de ce travail humain ne peut avoir lieu dans le processus d’une production théâtrale, par des moyens techniques (voire technologiques), comme ceci se fait, depuis l’ère industrielle (ex. : la robotisation de la chaîne de production), dans toutes les usines du monde contemporain. À cela s’ajoute le fait que les salaires des acteurs qui jouent augmentent au même rythme que ceux des autres travailleurs des autres secteurs de l’économie, ce qui signifie que, finalement le théâtre devient un art largement déficitaire.

Mots-clefs: Loi de Baumol, Économie, Théâtre, Mathématiques, Gestion, Administration, Industrie, Public.

Première partie

Dans cette analyse et selon la distinction citée ci-dessus, l’économie entière est divisée, avant tout, en deux secteurs, les secteurs « non progressif » et « progressif ». La caractéristique fondamentale du premier secteur est le fait que toute augmentation des salaires des employés est entièrement répercutée sur le coût général de la production. Le même phénomène est observé dans le deuxième secteur, celui appelé progressif, mais ici le travail humain peut être substitué par la technologie. Il est évident que dans le premier secteur sont inclues toutes les activités de service, ainsi que les spectacles vivants, tandis que le deuxième secteur englobe toutes les branches du domaine industriel.

À part le phénomène de la non-possibilité de substitution du travail humain dans le théâtre par les nouveautés du progrès technologique, d’autres facteurs, également pesants sur la production théâtrale, viennent s’y ajouter :

1. – La représentation théâtrale est un produit non reproductible à l’infini, comme ceci arrive dans une branche quelconque de l’industrie. Sa vie est de quelques jours à quelques mois (rarement années) et il ne peut être consommé, par conséquent, que par un nombre très restreint de consommateurs-spectateurs, toujours par rapport à ce qui se passe dans les autres domaines, commerciaux et industriels, de la vie économique.

2. – Ce même produit ne peut pas, à cause du premier facteur, être diffusé largement géographiquement, puisque, de plus, il a l’inconvénient d’avoir toujours besoin d’un matériel (décor, costumes etc.) difficilement déplaçable pour être joué, donc consommé.

3. – Un troisième facteur révèle une antinomie dans ce même domaine de l’art : c’est le théâtre qui « prête » ses acteurs -ou bien ses techniques de jeu- depuis un siècle déjà, au cinéma et plus récemment à la vidéo-télévision. Par contre ce sont ces derniers qui sont beaucoup plus rentables que le théâtre, grâce, précisément à ses propres techniques.

            Il faut ajouter ici que si le théâtre peut exister encore -même à des proportions budgétaires étatiques toujours minoritaires par rapport à d’autres manifestations culturelles ou sociales-  il le doit à cette même vivacité et rareté qui le condamne à un déficit chronique : c’est précisément le fait que le théâtre est produit par des êtres humains, (les acteurs) qui délivrent leur bien, (la représentation théâtrale) à d’autres humains (les spectateurs) qui fait qu’aucune substitution de cet acte humain par des machines n’est permise. Autrement cet art serait ainsi condamné aux « bas-fonds » d’un processus purement mécanique, ce qui lui retirerait tout attrait pour ceux qui s’y intéressent.

            En ce qui concerne le prix que le public doit payer pour pouvoir accéder à cette « consommation », les choses ne sont pas plus heureuses qu’ailleurs : le prix des billets de théâtre augmente toujours dans les mêmes proportions que les autres produits, dits commerciaux, parfois même en assez forte disproportion[1]. Autrement dit, quand le domaine de l’industrie peut offrir ses produits à des prix stables pendant longtemps -grâce à la substitution du travail humain par la machine- les producteurs de théâtre se voient obligés d’augmenter les salaires de leur personnel (artistique, technique, autre), sans pouvoir augmenter au même niveau les prix de leurs billets. Dans ce dernier cas, il s’agirait de prix extrêmement élevés, non supportables par le public.

Deuxième partie

            C’est sur ce point critique que la réflexion de notre article est précisément fondée : puisque le public ne peut pas s’offrir un billet au prix idéal pour les producteurs, le système économique de la plupart des sociétés contemporaines (que W. Baumol appelle : sociétés post-industrielles) a inventé les financements de provenance extérieure au théâtre, surtout étatique (Gargalianos, o.p. : 99). La question qui se pose ici est de savoir si cette aide étatique -souvent tellement élevée qu’elle aboutit à financer des théâtres d’envergure nationale- est justifiée, au cours des années. Une seconde question qui se pose par conséquent est de savoir si ces financements se font par rapport aux besoins réels de la totalité des spectateurs potentiels ou bien par rapport à l’œuvre artistique exigée de tous côtés[E1] . Cette thèse [E2] s’interroge pour savoir si ces théâtres nationaux, ou même les établissements largement subventionnés, justifient aujourd’hui leur financement étatique ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont été créés : offrir des spectacles d’un répertoire majoritairement classique à des prix d’entrée supportables par la grande masse du public qui les entoure.

            Il faut remarquer ici que le théâtre peut, en effet, se réjouir des bienfaits du progrès technologique, comme par exemple c’est le cas des projecteurs de haut de gamme ou du procédé informatisé de la billetterie. Pourtant ces bienfaits ne peuvent procurer aucun effet constant sur le coût général car ils sont rapidement amortis. D’un autre côté, les producteurs de théâtre peuvent essayer de diminuer le coût général de ce processus par : a) la diminution du nombre des répétitions, b) le doublage dans la distribution, c) le choix de pièces avec un maximum de cinq ou six acteurs, d) la construction de décors peu chers. Malheureusement, tout cela n’aboutit qu’au même résultat, à savoir le recours à l’aide de l’État, car les effets de tous les efforts pour faire de telles économies s’effacent vite devant les coûts plus généraux et plus graves, décrits ci-dessus.

La démonstration mathématique du modèle de Baumol

Dans cette section, les diverses grandeurs économiques utilisées dans le modèle mathématique de Baumol sont représentées par divers symboles, qui sont les suivants :

« Y » est la production dans les deux secteurs de l’économie ; « L », la quantité de travail, c’est-à-dire le nombre d’employés de toute sorte ; « t » le temps ; « a », « b », « α » et « β » des paramètres sans aucune signification, servant uniquement à l’expression mathématique du modèle ; « r », le taux d’accroissement de la productivité dans le secteur progressif ; « W » la rémunération par unité de travail, c’est-à-dire par employé.

            Sont parallèlement utilisés, en bas à droite de chaque symbole les petits chiffres 1 et 2, pour signaler les deux secteurs de l’économie, « 1 » étant pour le secteur archaïque (théâtre et spectacles vivants en général) et « 2 » pour le secteur progressif (l’industrie, notamment). Les chiffres entre parenthèses ne correspondent pas, ici, à des renvois mais ils servent à la numérotation des équations.

La production, dans chaque secteur séparément est présentée comme suit :

           (1)

Ce qui signifie que la production dans le secteur non progressif dépend de la quantité de travail utilisé, multiplié par a. Et.

  (2)

Cette équation signifie, à son tour, que la production dans le secteur progressif dépend de la quantité de travail L2 mais aussi de (1 + r)t. Ce dernier symbolise l’accroissement de la productivité dans le temps. P. Ex. : si t est de 2 (deux) ans et r = 0,20 (ou bien 20% de la productivité de la production initiale) l’accroissement est de l’ordre de (1 + 0,20)2 = 1,22 = 1,44.

            Supposons maintenant que les rémunérations dans les deux secteurs augmentent uniformément, ainsi on peut avoir :

 (3)

            De même pour l’accroissement de la rémunération : si t est 3 (trois) ans et r = 0,40, son accroissement est de l’ordre de (1 + 0,40)3 = 1,43 = 2,7. On procède à cette supposition pour faciliter la réflexion générale, car, de toute façon, le salaire moyen d’un ouvrier se rapproche fortement du salaire moyen d’un acteur (Gargalianos, o.p. : 109).

            Dans le but d’analyser respectivement l’évolution des deux types des coûts dans les deux secteurs, on se doit de trouver leur expression mathématique. Celle-ci doit être représentée comme suit :

 (4)

            C’est-à-dire que le coût de travail par unité de produit dans le secteur non progressif (d’un spectacle) dépend du salaire, multiplié par l’accroissement du salaire et divisé par le paramètre a.

            Les choses ne sont pas identiques dans le secteur 2 :

 (5)

            Ceci signifie que le coût de travail par unité de produit dans le secteur progressif (d’un produit industriel quelconque) dépend uniquement du salaire, divisé par b. 

            La différence entre ces deux secteurs réside dans le fait que dans le premier cas, l’augmentation du salaire (d’un acteur) n’est pas récompensée par une augmentation respective de la production finale, tandis que dans le deuxième secteur il y a, en effet, une augmentation respective de la production  fait qui conduit à une relative stabilité des prix.

            Ainsi lorsque ces grandeurs arrivent à des fins temporelles extrêmes (t → ∞) leurs expressions mathématiques deviennent les suivantes :

 (6)
donc(7)

(« Lim » signifie, en termes mathématiques, une tendance, une fin, une limite, un terme).

            De même en est-il pour C2, mais cette fois-ci il n’y pas un t, ce qui donne :

 (8)

            Le coût relatif de travail par unité de produit dans le secteur 1, par rapport au secteur 2, est le suivant :

 car
 (9)

            La suite du modèle comporte des équations peu utiles pour le raisonnement général de cet article. Cette suite est la justification mathématique de toute la réflexion Baumolienne (Gargalianos, o.p. : 123).

            Avant toute autre réflexion il faut dire que de ce premier développement mathématique de la loi-Baumol découlent deux corollaires :

            a) la production théâtrale, même si elle augmente ses effectifs -c’est-à-dire si l’on produit de plus en plus de spectacles- n’est pas considérée comme génératrice d’une productivité qui aide au développement général de la société.

            b) les sommes versées par l’État aux théâtres pourraient servir à d’autres buts, beaucoup plus productifs, ce qui signifie qu’en fait, tout financement étatique aux spectacles vivants est la cause d’une baisse, même minime et à long terme, de la production générale de l’économie[2].

En guise de conclusion : les lacunes de la loi-Baumol

La réflexion théorique, tout comme également l’expression mathématique de la loi-Baumol analysent et expliquent seulement deux situations :

– le fait que le coût en travail par unité de produit, en termes macro-économiques, augmente excessivement dans le secteur de production archaïque -le spectacle vivant- tandis qu’il reste relativement stable dans le secteur progressif.

– la certitude que, à cause de la première situation, c’est l’État et non le public, qui peut subventionner ce secteur.

Pourtant, l’analyse de ces deux situations ne recouvre pas la réalité théâtrale. En premier lieu, elle ne prend pas en compte deux grandeurs de ces deux situations importantes : a) celle du nombre du public potentiel, ainsi que de ses vraies possibilités financières et b) celle du nombre idéal des établissements théâtraux destinés à couvrir les besoins de ce public.

            Elle n’examine pas, ensuite, le fait que, dans la pratique, les établissements théâtraux -et surtout ceux privés- peuvent dépasser le handicap de la hausse excessive du coût en travail par unité de produit (voire le coût de chaque spectacle) de leur domaine et fonctionner sans l’aide de l’État.

            Ainsi, les réflexions et les analyses de cet article seront fondées sur les possibilités de ce domaine théâtral de démentir les principes de la loi-Baumol. L’antinomie entre les suggestions de la loi-Baumol et la démonstration de la réalité dans ces établissements théâtraux constituera un point de départ pour une longue réflexion autour du sujet de l’optimisation de la production théâtrale, mentionnée dans l’introduction.

Bibliographie

Baumol, W.J., Bowen, W.G.  Performing arts-The economic dilemma – New York : The Twentieth Century Fund – 1966

Busson A.- Le théâtre en France.Contexte socio-economique et choix esthetiques, Paris : La Documentation Française – 1986 – p. 59-64.

Corvin (M.), Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre. Article de X. Dupuis – Paris : Bordas, 1991, p. 507-508.

Culture (Ministère), Développement Culturel – Bulletin du Service des Études et Recherches :Économie du spectacle vivant et audiovisuel – No 63, Paris :La Documentation Française, 1985, 6 p.

Dupuis, X. – (édité par) – Économie et Culture. De l’ère de la subvention au nouveau libéralisme. 4e conférence internationale sur l’Économie de la Culture, Avignon, 12-14 mai 1986 – Volume IV – Paris : La Documentation Française, 1990, p. 13-45.

Gargalianos, S., Giannakopoulou, I. (2012). Management-Marketing de Théâtre. Thessaloniki : Romi

Gargalianos (2020). Organisation de spectacles. Thessaloniki : Afoi Kyriakidi

Leroy (D.). (1980). Économie des arts du spectacle vivant. Essai sur la relation entre l’économique et l’esthétique. Paris : Economica, 1980, p. 150-162.


[1] C’est le cas de l’apparition sur scène d’une vedette, ce qui conduit à une augmentation excessive du prix du billet pour ces spectacles précis et que, curieusement, les consommateurs-spectateurs sont prêts à payer.

[2] faute d’espace adéquat, les documents respectifs sont cités, exceptionnellement, à la fin de ce chapitre


 [E1]confus

 [E2]Le present article?

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